mercredi 19 octobre 2011

Baccano! épisode 1 : Le directeur adjoint ne parle pas de lui en tant que personnage principal

Le premier épisode de Baccano! est disponible sur le site d'Ankama. Gratuitement et légalement comme ils disent.

Il y a des animes qui vous accrochent dès les premières minutes.
Et il y a des animes dont le tout premier mot prononcé est votre prénom, si bien qu'on pourrait presque croire  qu'il a été fait pour vous, que les créateurs vous invitent personnellement à regarder cette œuvre parce qu'ils savent qu'il y a tout pour vous plaire dedans ou qu'il faut tout simplement vous mettre à croire au destin à cause d'un hasard très symbolique..
Vous l'aurez sûrement deviné, je parle pour moi puisque dans ce premier épisode de Baccano!, si l'on oublie le petit message de présentation rajouté par Ankama entre le générique et le début de l'histoire, le premier mot que l'on entends est alors "Carole", prononcé avec un joli accent et plein de dramatisme (lien TV Tropes, vous êtes prévenus). Or il se trouve qu'il s'agit aussi de mon prénom et je dois avouer que j'ai bien sursauté, la toute première fois que j'ai regardé cette scène, sous le coup de la surprise et du son que j'avais monté un peu trop fort (il n'empêche que la musique du générique vaut le coup de se péter un peu les oreilles)

C'est du serious business dans ce billet alors on met une petite image classe pour commencer d'accord ?

Mais revenons un peu en arrière, au générique de cette série justement. Générique à la musique jazz, sans paroles. On est bien loin niveau ambiance des chansons pop/rock japonaises, c'est les Etats-Unis, le début du XXe siècle. Des personnages se suivent, l'écran se figeant l'espace d'une seconde pour nous indiquer leurs noms, un, deux, trois, quatre... dix-sept personnages. Oui, cela fait beaucoup de noms à retenir. Voilà pourquoi il y a une règle d'or quand on regarde Baccano pour la première fois qui est de ne jamais zapper le générique qui sert de rappel efficace aux noms de nos nombreux protagonistes.
Rappel efficace, oui, parce qu'on ne peut pas dire que cette entrée en matière manque de rythme : que ce soit au niveau de la musique qui donne envie de bouger, des images de scènes d'actions dynamiques ou des transitions qui nous font passer avec fluidité d'un personnage à l'autre : de la barre de chocolat lancée au chapeau rattrapé, de l'argent honnêtement payé atterrissant sur une table de jeu aux bouteilles changeant de mains, de la fléchette de jeu plantée dans la cible au poignard d'assassin retiré, de la lumière de l'explosion transformé en flash d'un appareil à la photo aussitôt développée, des cartes à jouer éparpillées se retrouvant dans un jeu bien rangé dont une carte est tiré et, oh surprise, on y voit les deux premiers personnages présentés dans le générique. La boucle est bouclée.

Première image après le générique : on nous montre un Ouroboros, le serpent se mordant la queue, symbole entre autre de cycle éternel (de la nature, la vie). Hasard ? Cet épisode devrait être suffisant à vous faire deviner la réponse.
La première scène nous présente donc une petite fille visiblement captivée par sa lecture, en plein milieu de la nuit. Cependant, ce n'est pas un roman qu'elle lit mais des informations en rapport avec une histoire, le début d'une succession d'affaires commençant d'après elle en 1930.  La jeune Carole est alors interrompu par un certain directeur adjoint qui lui demande de se rappeler un voyage en train où il lui aurait exposé l'importance de la vérité au travers des informations récoltées par ceux censés exposés la vérité (on parle donc ici des journalistes et de leur intégrité), assurant que celle-ci peut changer selon la manière dont elle est raconté.
Une information altérée ou faussée, entendue par quelqu'un qui y croira deviendra alors la vérité pour lui.
Cependant, qu'en est-il d'une histoire ?
Fait étrange, malgré tous les dossiers, journaux et livres posés sur la table et mis en relation avec l'affaire, les deux personnages parlent de cette série d'événements comme d'une histoire, d'une œuvre de fiction en comparaison avec les "informations" qui désigneraient des événements réels.
Or, la vérité d'une histoire n'est pas fixe : elle change selon la manière dont la personne qui lit l'histoire la comprendra, selon la manière dont l'histoire est raconté, selon le point de vue choisi et selon l'ordre dans lequel les événements sont racontés.
Alors, pourquoi choisir 1930 ? C'est en posant cette question que le directeur adjoint nous dévoile en même temps son nom : Gustave Saint-Germain, l'objet de son métier : le Daily Days (Journalier Quotidien, on peut difficilement faire plus redondant comme nom mais eh, ça sonne bien) et son rapport avec la jeune Carole : elle se trouve être son assistante.

Petite parenthèse : J'ai déjà vu quelques commentaires en rapport avec les jeux du Professeur Layton, de personnes considérant que c'était quand même sacrément louche que le professeur se promène avec un écolier n'ayant apparemment aucun lien de parenté avec lui. Comme à notre époque c'est un peu la paranoïa concernant la présence d'un adulte près d'enfants n'étant pas les siens, on en vient à s'imaginer qu'il a forcément des idées derrière la tête... Dans une œuvre de fiction, ce genre de duos vient pourtant du principe tout bête de faire des "couples" de personnages dynamique, donc avec des contraires : l'adulte mature, qui prend son temps pour raisonner en opposition au jeune curieux et pressé d'avance dans sa recherche sans être sûr d'avoir toutes les clés de lecture.

Le directeur adjoint demande donc pour quelle raison 1930 serait le point de départ à choisir et pas, par exemple l'année 1711, à bord du bateau Advena Avis, sous-entendant que ce serait de là que serait issu de sombres événements ayant lieu à bord du Flying Pussyfoot, un train transcontinental. (Un des maillons de la chaîne de cette "succession d'affaires" donc).
Si Carole a choisi novembre 1930 c'est parce qu'elle le considérait comme le point de départ le plus simple. En effet, il est important d'arriver à faire rentrer le lecteur, le spectateur dedans et donc de créer une introduction : un passage de l'histoire qui sera simple à comprendre, soit de part les événements qui le forment, soit de part sa façon d'être raconté. Voir les deux en même temps.
Carole avance un autre argument, disant : "Cette histoire nous a été révélée à ce moment même", lors de ce passage, il y a une incrustation très rapide d'un plan rapproché de l'œil de Carole, placé suffisamment longtemps pour qu'on le remarque mais cependant très rapidement, de façon à créer une coupure qui dérange un peu le plan de base en traveling de la droite vers la gauche, avec Carole nous faisant face et le Vice-Directeur de dos, assis.
Je ne parle pas le japonais, je ne saurais donc m'assurer de la fidélité de la traduction mais les mots choisis sous-entendent fortement que ce que Carole dit se rapporte à : "Cette histoire nous a été révélée maintenant. Maintenant signifiant au début de cet épisode, comme je l'ai mentionné pour la première fois en lui accolant la date de 1930. En partant de ce point, le spectateur va vouloir savoir de quoi il s'agit, c'est donc pour cela qu'il faut commencer par là maintenant que nous avons attisé sa curiosité !"

Ils disent que l'œil est le reflet de l'âme.
 La coupure avec le gros plan sur l'œil pourrait alors être là pour réveiller le spectateur, pour lui faire signe que le personnage est conscient d'être dans une histoire et le regarde directement. Cassage discret du quatrième mur ?
En même temps, c'est aussi une manière de nous faire rentrer dans l'histoire : en peinture, un personnage admoniteur est un personnage qui regarde vers le spectateur pour l'inviter dans le tableau, montrant souvent d'un geste plus ou moins discret des mains le "point principal" de l'œuvre. (Et sur cette image, son doigt pointe son œil, encore une fois un signe potentiel de la prise de conscience qu'elle se trouve dans une œuvre de fiction.)

Selon Carole, ce point principal est sans aucun doute novembre 1930.
Je n'ai jusqu'à présent pas trop parlé des détails techniques de l'œuvre mais je pense que maintenant serait un bon point pour donner certaines informations : Baccano! n'est à l'origine pas un anime mais une série de romans écrits par Ryogo Narita. Chaque roman comporte dans son titre la date d'une année suivie de quelques mots... Je suppose que vous voyez où je veux en venir : il se trouve que le premier tome paru porte comme date 1930.
Nous nous retrouvons donc devant deux personnages discutant du choix de commencer l'adaptation animée de la même manière que le roman.

Gustave Saint-Germain n'en a cependant pas fini : il interroge donc son assistante sur le sujet du (ou des) personnage(s) principal(/aux) tout en présentant rapidement trois groupes qui ne semblent avoir rien en commun : un duo de voleurs bêtas (comédie), un jeune garçon écrasé par le destin (tragédie) ou le cerveau de la famille Gandor (film de mafia)....
Carole le coupe alors pour présenter son propre candidat, le décrivant comme "parfait pour le rôle". Nous est alors montré une scène sur le personnage en question qui a tout du type du jeune premier : naïf, généreux, impulsif... tout en étant doté d'un étrange pouvoir (nous y reviendrons) et lié à la mafia.
Cela fait bien rire le directeur adjoint qui semble considérer lui aussi qu'il conviendrait bien. Avant de dire que finalement, peu importe le personnage principal choisi, l'histoire reste la même. Ce qui semble entrer en contradiction avec ce que j'avais dit sur la vérité changeante d'une histoire... Je vois cependant cette tirade comme ceci : il y a bien des faits indiscutables dans une histoire, une base d'événements inchangeable mais celle-ci est vue de manière déformée à travers les yeux des personnages tout comme des spectateurs : tel personnage n'assistera pas à tel événement, ne le verra pas se produire ou n'en apercevra qu'une partie mais pourtant il aura lieu.

Comme pour nous montrer ce "filtre déformateur", on a droit à plusieurs extraits ; tout d'abord une suite d'images illustrant la période de la prohibition (interdiction de vente et achat d'alcool forts, faisant passer ce marché dans la clandestinité) aux États-Unis, puis un discours d'un des membres de la mafia sur le sort réservé aux familles adverses, on change de point de vue en passant par le repère d'une des familles ennemies obtenant des informations sur les dommages subis par les attaques.
Carole demande alors si les relations tendues entre familles mafieuses sont à placer comme point de départ, Gustave Saint-Germain acquiesce tout en précisant que ce n'est qu'en partie... Avant de dire que, finalement, il est même tout à fait possible que l'histoire commence avec eux, discutant de comment démarrer cette histoire.

Casser le quatrième mur ? Fait. Mise en abîme ? Fait aussi. J'espère que vous êtes fiers de vous.
Nous en sommes à la moitié de cet épisode et on peut résumer cette première partie à : "comment débuter une histoire en parlant de personnages discutant de comment débuter une histoire". Cela peut sembler étrange, tordu mais c'est cependant très intéressant d'avoir une introduction posant une réflexion sur la manière de faire des introductions, tout en apportant en même temps des indices, des pistes sur l'histoire qui va suivre, ses personnages, son époque et son ambiance.
Le directeur adjoint dit tout cela en regardant Carole/le spectateur avant de rire légèrement, comme s'il racontait une bonne blague à un vieil ami.

On notera que le directeur adjoint ne se considère pas comme le personnage principal... ou plus exactement ne "parle pas de lui" en tant que personnage principal. Ce qui peut-être vu comme assez étrange : ne sommes nous pas tous nos propres personnages principaux ?

Fond noir, texte blanc. 1931.

La seconde partie de l'épisode ne se gêne pas plus que la première pour être déconcertante : nos deux guides introductifs n'apparaissent plus et différentes scènes s'enchaînent, sans trop se soucier de nous introduire leurs liens entre elles ou de présenter vraiment les personnages qui en font partie. Le thème de la mafia continue d'être développé mais on nous expose aussi des éléments beaucoup plus surnaturels : certains personnages semblent en effet ne pas êtres morts même après s'être faits fusillés ou pris une balle en pleine tête.
Au final, on va jusqu'à nous montrer l'arrivée en gare du Flying Pussyfoot dont on nous a parlé précédemment : on nous montre la fin avant le début ! Cependant, est-ce si important ? Car peu importe le bout de boucle qu'on nous donne, il nous faudra voir la suite pour arriver à la fin du fil et tout comprendre.
Je parle ici de boucle mais en vérité toutes ces scènes sont beaucoup plus proches de pièces de puzzle, et n'allez pas croire que les créateurs de la série seront assez généreux pour vous donner toutes les pièces correspondantes avant la fin.



Oh et sinon... question subsidiaire : À quelle époque commence cette série ?
Je suppose que cela ressemble fortement à une question piège, posée comme cela alors je précise : quand donc se passe la scène où Carole et Gustave Saint-Germain discutent des événements de l'histoire ? Nous savons que cela se passe forcément après les événements de 1930 et 1931 d'après leurs dires mais combien de temps après ?
Carole faisait des recherches sur cette histoire et en sait davantage que nous, de plus, il est évident que le directeur adjoint en connait loin lui aussi, il serait d'ailleurs normal que ce "guide introductif" nous abandonne au moment où il nous lâche dans l'histoire, pour ne pas nous dévoiler celle-ci... mais connait-il tout ? Est-ce que Carole et Gustave Saint-Germain connaissent tout des événements de 1930, du Flying Pussyfoot et des histoires compliqués entre les familles mafieuses, à ce moment précis et inconnu où débute le premier épisode ? Et pourquoi nous donner tant de dates si c'est pour ne pas nous dire de quand provient leur réflexion ?
En bref, on a là une différence de plus avec les journalistes qui relaient leurs informations avec une date plus ou moins approximative du moment où il l'ont reçue (la date où est publiée l'article donc) et les narrateurs d'une histoire qui n'ont pas forcément de raison pour nous donner des réponses à des questions externes de l'histoire.
De toute façon quand on sait quel jour on est, il n'y a évidemment aucune raison d'en parler.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire